Face à la presse nationale et internationale, lundi 8 avril à Kigali, le président rwandais, Paul Kagame est revenu longuement sur la crise sécuritaire du M23 dans la province congolaise du Nord-Kivu, qui alimente les tensions entre la RDC et le Rwanda, Kinshasa accusant Kigali de soutenir cette milice majoritairement Tutsi.
Sans nier l’appui des Forces rwandaises de défense (RDF) au M23, Paul Kagame a affirmé que ces rebelles qualifiés de « terroristes » par le gouvernement congolais, ont repris les armes, après avoir été défait en 2013, parce qu’ils sont, selon lui, privés de leur droit à la citoyenneté congolaise.
Si pour Félix Tshisekedi, président de la RDC, le M23 n’est qu’une « coquille vide » et qu’en réalité, c’est l’armée rwandaise qui opère au Nord-Kivu « pour faire main basse sur les ressources minières », Paul Kagame, quant à lui, parle d’une organisation créée par des Congolais « persécutés » dans leur propre pays.
« A ceux qui nous accusent, je leur demanderais pourquoi ils ne soutiennent pas eux-mêmes le M23 ? Pourquoi la question est-elle que vous soutenez le M23 ou que vous ne soutenez pas le M23 ? Premièrement, le M23 est une organisation née au Congo. Deuxièmement, ce sont des Congolais et vous entendez même le Congo l’admettre. Maintenant, pourquoi existent-ils ? Pourquoi se battent-ils ? Pourquoi ont-ils des armes ? c’est une autre question, c’est aussi une question simple : ils existent parce qu’on leur a refusé leurs droits en tant que citoyens de ce pays. Ils les appellent Tutsi du Rwanda, très bien ! Mais il faut aussi être un peu éduqué sur l’histoire. Nous avons des communautés rwandaises au Congo qui sont congolaises et, par conséquent, ce ne sont pas seulement des Tutsis, c’est la même structure sociale de notre pays qui est également au Congo », a-t-il déclaré.
Justifiant indirectement son soutien à la rébellion dirigée par Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga, car le Rwanda accueillant, dit-il, 100,000 Rwandophones congolais, Paul Kagame accuse l’administration Tshisekedi de les discriminer.
« Nous avons 100 000 personnes originaires de cette communauté. 100 000 personnes vivent ici au Rwanda dans des camps de réfugiés depuis deux décennies. Parce qu’ils ont été persécutés, il y en a 100 000 ici, il y en a des centaines de milliers là-bas en Ouganda, encore plus. Donc le M23 est né de cette situation, c’est pourquoi j’ai posé la question, j’ai dit : pourquoi ne pourrions-nous pas ? Pourquoi serions-nous accusés, en tant que Rwanda, de soutenir le M23 ? et je dis que même ceux qui nous accusent, je devrais les accuser de ne pas le faire, soutenir le M23 parce que c’est comme s’ils étaient d’accord avec l’injustice qui est faite à cette communauté. Si vous n’êtes pas d’accord avec cette injustice, vous souleveriez en fait la question de savoir si ces gens du M23 sont traités de la sorte, pourquoi avons-nous 100 000 réfugiés ici au Rwanda ? c’est par là que vous commenceriez dès le début. En demandant au Rwanda si vous soutenez le M23 ou non, vous niez toujours parce que vous posez la mauvaise question », a-t-il expliqué.
Pour le président rwandais, le plus important n’est pas de savoir s’il soutient ou non ce mouvement, mais de s’attaquer aux causes profondes de la crise qui, selon lui, consiste à répondre aux revendications du M23.
« La question n’est pas de savoir si quelqu’un soutient ou non le M23, mais plutôt de savoir quel est réellement le problème du M23 ? C’est la question que vous auriez dû poser en fait, quel est le problème, qu’est-ce que cette chose appelée M23 ? Sont-ils des êtres humains ? sont-ils des Rwandais ? Sont-ils des Congolais ? Pourquoi existent-ils ? Où ont-ils même des armes et se battent dans leur propre pays ? c’est la bonne question que je devrais me poser, donc si les soutiens ou les associations de quelque manière que ce soit sont réellement sans importance, il est pertinent de vous éduquer ou d’éduquer le public. La question aurait dû être simple, demandez-moi d’ailleurs, qu’entendez-vous par le M23 ? qu’est-ce que c’est ? c’est une bonne question. C’est à cela que je souhaiterais être associé plutôt que de savoir si je le soutiens ou non », a-t-il conclu.
Défait en 2013, le M23 a repris les armes fin 2021. Selon le gouvernement congolais, c’est le Rwanda qui a réarmé ce mouvement. Plusieurs rapports onusiens confirment aussi le soutien rwandais aux rebelles. Actuellement, plusieurs localités de Rutshuru et de Masisi (Nord-Kivu) sont occupées par la coalition M23-RDF. Dans sa dernière déclaration sur la RDC, le Conseil de sécurité de l’ONU a exigé le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais et la cessation des hostilités.