La représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Pramila Patten, a présenté vendredi au Conseil de sécurité, le rapport 2022 d’Antonio Guterres consacré aux « violences sexuelles liées aux conflits ».
Pramila Patten s’est attardée en particulier sur la République démocratique du Congo (RDC) qui, une fois de plus, est le pays qui présente le plus grand nombre de cas vérifié, soit 701. Mais, a-t-elle ajouté, dans le seul Nord-Kivu, plus de 38 000 cas de violence sexuelle et sexiste ont été signalés, y compris des niveaux alarmants d’exploitation sexuelle des enfants sur plus de 1 000 sites dans et autour des camps de déplacés.
L’onusienne, qui s’est rendue en RDC en juin, a dit avoir été horrifiée par les témoignages de femmes et de jeunes filles, dont beaucoup avaient été très récemment violées, parfois dans le cadre de viols collectifs, et recevaient encore des soins.
Souvent, ces femmes et ces jeunes filles sont confrontées à un choix inacceptable entre la subsistance économique et la violence sexuelle, entre leurs moyens de subsistance et leur vie, s’est-elle indignée, avant de dénoncer une autre réalité « très inquiétante », à savoir la prolifération des maisons de tolérance à l’intérieur et autour des camps de personnes déplacées, qui opèrent en plein jour « au nez et à la barbe » des autorités nationales et des acteurs humanitaires.
« En 2022, la Monusco a confirmé 701 affaires de violences sexuelles liées aux conflits touchant 503 femmes, 187 filles et 11 hommes. Sur ce total, 21 affaires concernant 13 filles et 8 femmes remontent aux années précédentes. La plupart des violations se sont produites dans le contexte d’affrontements entre des groupes armés et les Forces armées de la République démocratique du Congo, ainsi que lors d’attaques menées en représailles contre des membres de la population civile par des acteurs étatiques et non étatiques. La responsabilité de la majorité des affaires (550) a été attribuée à des groupes armés non étatiques, tandis que 148 autres affaires auraient été le fait d’acteurs étatiques : les Forces armées pour 108 affaires, les filles représentant 50 % des victimes, la Police nationale congolaise pour 28 affaires et d’autres acteurs étatiques pour les 12 autres. La proximité des porteurs d’armes avec les foyers de population civile a augmenté le risque de violences sexuelles, plus de la moitié des attaques perpétrées par les Forces armées ayant eu lieu dans le Nord-Kivu, où leurs unités ont été déployées pour contrer la menace du M23. La Police nationale a continué d’être impliquée dans des actes de violence sexuelle, y compris contre des personnes placées en garde à vue. Au Sud-Kivu, l’Organisation des Nations Unies a documenté trois affaires de violence sexuelle dont la responsabilité est attribuée à la Force de défense nationale du Burundi, qui participe à des opérations militaires conjointes contre des groupes armés », révèle le rapport de l’ONU.
Selon Patten, les violences sexuelles ont souvent été perpétrées lors de raids conduits sur des villages en représailles à une soi-disant collaboration avec des groupes armés rivaux ou avec les forces de l’État. Pareilles attaques au Nord-Kivu ont été principalement attribuées aux factions Nyatura, représentant 19 % du nombre total des cas documentés.
En 2022, 42 cas confirmés ont été attribués à des éléments du M23, bien que le nombre réel de cas soit probablement plus élevé, les difficultés d’accès aux zones placées sous leur contrôle empêchant de vérifier la véracité des allégations.
Pramila Patten est convaincue que des sanctions appliquées de manière opportune et cohérente peuvent modifier le calcul des parties qui partent du principe que le viol est « gratuit » voire rentable dans l’économie politique de la guerre.
L’ONU a appelé de nouveau toutes les parties à s’abstenir de toute forme de violence sexuelle, conformément aux obligations qui sont les leur au regard du droit international humanitaire et du droit international des droits humains, et les a exhorté à s’engager à nouveau à appliquer l’Accord politique pour la paix et la réconciliation de 2019.
Aux autorités, le rapport de Guterres demande de s’attaquer au problème des violences sexuelles liées aux conflits au sein des forces de défense et de sécurité nationales, notamment par des mesures efficaces de vérification des antécédents et d’application du principe de responsabilité.