Le génocide congolais a été commémoré ce mercredi 2 août. Cette journée rappelle le début du conflit armé le plus meurtrier depuis la 2e guerre mondiale lorsqu’en date du 2 août 1998 le Rwanda et leurs supplétifs du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) ont envahi le territoire de la RDC, explique le célèbre activiste congolais, Denis Mukwege, qui affirme dans ce contexte que « le Rwanda et l’Ouganda sont dans l’obligation de rendre des comptes pour leurs agressions récidivistes ».
Pour Mukwege, la reconnaissance officielle de la journée du Génocost (génocide pour des gains économiques) doit impérativement être accompagnée par une volonté politique forte et des actions concrètes pour mettre fin au pillage des matières premières de la RDC et pour garantir les droits des victimes à la justice, à la vérité, à des réparations et à des garanties de non répétition des crimes internationaux.
Dans ce contexte, le prix Nobel de la paix 2018 a laissé entendre que « le Rwanda et l’Ouganda sont dans l’obligation de rendre des comptes pour leurs agressions récidivistes et sur leurs rôles de premier plan dans le pillage et la commission de crimes les plus graves en RDC ».
« A l’instar de tous les peuples, la nation congolaise a le droit de disposer de ses ressources et de vivre en paix, à l’abri des interférences et des ingérences étrangères. Le droit et la justice internationale doivent s’appliquer partout de la même manière. Toutes les échelles de responsabilités, au niveau national, régional et international, doivent être établies », a souligné Denis Mukwege, qui plaide pour la création du Tribunal pénal international pour la RDC et des chambres spécialisées mixtes dans le cadre des efforts pour mettre en œuvre tous les outils de la justice transitionnelle en vue d’enrayer la spirale de la violence et de l’impunité.
« Manque de volonté politique »
Il a noté, dans la foulée, que dans la majorité des situations, la reconnaissance d’une journée de la mémoire intervient une fois que les armes se sont tues, et lorsqu’une nation se reconstruit après une période de conflit. Cependant, regrette-t-il, la RDC n’est pas dans ce cas de figure, malgré l’Accord de paix de Sun City qui a planté en 2003 les graines de l’aggravation et de la prolongation du drame congolais.
« En effet, les atteintes à la souveraineté nationale et à l’intégrité territoriale et les guerres d’agression et d’occupation se poursuivent depuis de plus d’un quart de siècle, et la violence armée et les atrocités de masse continuent de caractériser jusqu’à ce jour le quotidien de millions de compatriotes qui traversent une crise humanitaire sans précédent, notamment au Nord Kivu et en Ituri », a-t-il déploré.
Aussi, il a fustigé le fait que, malgré les moyens alloués et les efforts déployés pour construire un nouveau « narratif », la volonté politique fait cruellement défaut au sein de l’administration actuelle qui, selon lui, continue une politique de prédation et de bradage des ressources et d’externalisation de la sécurité à des pays qui sont les principaux acteurs de l’instabilité et du pillage, laissant la population dans la misère et abandonnée à elle-même.
Pour Mukwege, ce n’est pas que le 2 août que les Congolais doivent commémorer leurs morts et le pillage des richesses du pays, mais chaque jour de l’année car, dit-il, le Génocost, loin d’être un jour de mémoire pour un scandale et un drame du passé, se poursuit tous les jours !
« Tant que la volonté politique pour assurer une bonne gestion des minerais axée sur la durabilité et le bien-être de la population, pour réformer en profondeur nos services de défense, de sécurité et de renseignements, pour édifier un état de droit garantissant tant la sécurité physique que juridique et pour permettre des élections démocratiques et crédibles respectant la souveraineté populaire, une soi-disant élite politico-militaire corrompue agissant en collusion avec les pays voisins déstabilisateurs soutenus par certaines puissances et des multinationales avides de profits continuera de s’enrichir, et l’écrasante majorité de notre population croupira toujours dans la souffrance et la pauvreté », a-t-il ajouté.
Le prix Nobel de la paix a souligné que, ce n’est que dans ces conditions que les pays de la région des Grands Lacs pourront se réconcilier et cohabiter pacifiquement, et que la RDC pourra honorer dignement ses morts, panser ses plaies et construire avec les générations futures une nation débarrassée de l’exploitation, de la souffrance, de l’humiliation et de l’injustice.