Le mandat de la Monusco prendra fin le 20 décembre 2024. Conformément au plan convenu entre la RDC et l’ONU, la première étape du désengagement de la Monusco a été entamée mercredi 28 février, avec la base de Kamanyola au Sud-Kivu. Une démarche désapprouvée par le Prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege qui, notant la persistance des causes profondes de la violence, exhorte le Conseil de sécurité à reconfigurer plutôt le mandat et de la présence de la Monusco pour réunir les conditions propices à un retrait responsable et durable, une fois que l’État congolais sera doté d’institutions opérationnelles, professionnelles et redevables, notamment dans le domaine de la sécurité et de la justice.
Contrairement à la position du gouvernement et d’une bonne frange de la population insistant sur le retrait des Casques bleus, Denis Mukwege qui a écrit mardi une lettre ouverte aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, a affirmé qu’un retrait « précipité » dans un contexte de guerre d’agression et de surmilitarisation de la région risque de laisser un vide sécuritaire extrêmement dangereux pour l’existence même de la RDC et désastreux pour la protection des civils et la stabilité, mettant sérieusement en péril l’héritage de 25 ans de présence du Département des opérations de maintien de la paix des Nations unies en RDC.
La RDC est encore, prévient-il, loin du stade où la menace posée par les groupes armés nationaux et étrangers soit ramenée à un niveau qui puisse être géré par les forces de sécurité et de défense congolaises.
Selon Mukwege, les Casques bleus et la Brigade d’Intervention ne peuvent partir tant que l’armée et la police ne seront pas en mesure d’assurer la souveraineté de l’État et la protection des civils.
Dans ce contexte, il appelle à la reconfiguration du mandat et de la présence de la Monusco pour réunir les conditions propices à un retrait responsable et durable, une fois que l’État congolais sera doté d’institutions opérationnelles, professionnelles et redevables, notamment dans le domaine de la sécurité et de la justice.
« Il est impératif d’établir les liens entre la prévention des conflits, la justice transitionnelle, la consolidation de l’état de droit et l’instauration de la paix », a-t-il indiqué, souligant par conséquent que le chronogramme retenu pour le désengagement complet de la Monusco pour la province du Sud Kivu, à savoir la fin du mois d’avril 2024, doit être urgemment réévalué et reporté.
« Alors que les causes profondes de la violence persistent – déficit de légitimité des animateurs des institutions, culture de l’impunité, exploitation illicite et commerce illégal des minerais –, que l’insécurité est grandissante, que les recherches de solutions politiques et diplomatiques demeurent dans l’impasse, que l’autorité de l’État congolais n’est pas encore déployée dans de larges zones du territoire national et que le régime de Kinshasa n’a pas encore entamé une réforme profonde du secteur de la sécurité, incluant notamment l’assainissement des forces de défense et de sécurité et des services de renseignements, nous exhortons le Conseil de Sécurité à rester saisi de la situation en RDC, qui représente encore et toujours une menace pour la paix et la sécurité internationales », a-t-il ajouté.
Il a rappelé avoir pris acte en 2020 de la stratégie commune sur le retrait progressif et échelonné de la Monusco avec le gouvernement de la RDC, qui avait été demandée dans la résolution 2556 du Conseil de sécurité pour faciliter une transition assortie de 18 jalons présentés comme des « conditions minimales nécessaires » pour effectuer un retrait responsable et durable de la mission onusienne.
A ce jour, dit-il, aucune de ces conditions n’a été remplie. Cependant, il estime que, c’est la frustration de la population face au manque d’efficacité de la Monusco dans la réalisation de son mandat de protection des civils, largement exacerbée par des discours populistes de politiciens en période pré-électorale, combinée à des campagnes de désinformation dirigées contre la communauté internationale par ceux qui ont intérêt à faire perdurer le chaos en RDC pour poursuivre le pillage de ses richesses minières stratégiques, qui ont amené le président Félix Tshisekedi à appeler dès 2022 au retrait « accéléré » de la Monusco et à un plan de désengagement complet à l’horizon 2024.
Au regard de la situation sur le terrain, Denis Mukwege pense qu’il est encore temps pour le gouvernement congolais et l’ONU de suspendre et de revoir le plan conjoint de désengagement et son calendrier, et de maintenir une marge de flexibilité en fonction de l’évolution de la situation pour éviter un nouvel échec patent de la communauté internationale en matière de maintien de la paix et une nouvelle chronique d’une catastrophe annoncée au cœur de l’Afrique qui aggraverait encore davantage la menace sur la paix et la sécurité régionales et internationales.