Dans son discours prononcé jeudi 25 avril à l’occasion de la réception du diplôme honorifique « docteur honoris causa » de l’Université de Norvège du Sud-Est (USN), Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, a plaidé pour des sanctions politiques et économiques contre les pays agresseurs de la RDC, notamment le Rwanda, qui bafouent les préceptes de la Charte des Nations unies.
Sans ménagement, le célèbre activiste congolais a dénoncé la communauté internationale, si encline dans certaines situations à décider et à appliquer des sanctions contre les Etats qui violent l’intégrité territoriale de leurs voisins, qui, pour la situation en RDC, se limite à des paroles « vides de sens » et à des condamnations « superficielles » des ambitions expansionnistes du Rwanda.
Alors que les communautés blessées de l’Est du Congo paient un très lourd tribut aux conséquences de cette politique de deux poids, deux mesures et d’indignation sélective, Denis Mukwege a indiqué qu’il est « grand temps d’abandonner les doubles standards qui minent la crédibilité du système de sécurité collective et les droits de l’homme ».
« La communauté internationale – y compris votre pays (la Norvège) – a fermé les yeux sur les viols, les violences et les massacres qui se poursuivent en toute impunité au Kivu au moment où je vous parle. Et pourtant, ces massacres et leurs auteurs sont documentés dans plusieurs rapports de l’ONU. Et pourtant, les pays agresseurs de la RDC sont bien connus de tous. Soyons francs, mesdames et messieurs. Le bandeau avec lequel la communauté internationale se cache hypocritement les yeux pour ne pas voir, agir ou réprimer ces crimes est l’exploitation inhumaine et scandaleuse des minerais stratégiques qui regorgent sur le sol congolais », a-t-il tonné.
Face à cette situation, il a exhorté les États, dont la Norvège, à adopter des sanctions politiques et économiques contre les pays agresseurs de la RDC, regrettant le fait qu’il n’existe aucune initiative de paix sérieuse pour faire taire les armes en raison du cynisme des acteurs internationaux, de la mauvaise foi des dirigeants régionaux et du déficit de leadership en RDC.
Rappelant que le chemin vers la paix passera par la justice, Mukwege a plaidé pour l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle pour prévenir la répétition des atrocités de masse et promouvoir l’État de droit.
« Nous appelons donc à la création d’un Tribunal pénal international pour le Congo afin de mettre fin à la culture de l’impunité », a-t-il dit.
En outre, il a appelé la Norvège à organiser une conférence internationale pour mettre fin à la tragédie congolaise.
« Compte tenu de la crédibilité et de l’engagement historique de la Norvège sur la scène internationale, notamment sur les questions liées à la diplomatie de paix et à la résolution des conflits, nous appelons aujourd’hui la Norvège à organiser avec nous une conférence internationale pour mettre fin à la tragédie congolaise et trouver une issue pacifique aux conflits qui ravagent l’Est du Congo. Mesdames et messieurs, cette voie est possible. Ce chemin existe. La Norvège l’a expérimenté sur plusieurs théâtres de conflits. Aujourd’hui et demain, la Norvège a aussi la responsabilité d’oser le faire en République démocratique du Congo », a-t-il ajouté.
Cette guerre d’agression est commise en violation du droit international et vise à terroriser la population, a dénoncé Denis Mukwege, faisant remarquer que l’intensification des combats s’accompagne de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire. A titre d’exemple, il a cité le recrutement et l’utilisation d’enfants comme soldats ou le recours au viol et à d’autres formes de violence sexuelle comme arme de guerre.