La dernière déclaration du président rwandais menaçant de refouler les réfugiés congolais préoccupe au plus haut point Human Rights Watch, une organisation non gouvernementale internationale qui se donne pour mission de défendre les droits de l’homme et le respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
En effet, Paul Kagame a affirmé lundi devant le Sénat que le Rwanda ne peut pas « continuer à accueillir des réfugiés pour lesquels, plus tard, nous serons tenus responsables d’une manière ou d’une autre, ou attaqués ». Il a, dans la foulée, demandé à la communauté internationale de prendre des mesures pour les délocaliser ailleurs, soit les ramener en RDC.
Pour Lewis Mudge, directeur Afrique centrale de HRW, la déclaration du président Kagame illustre crûment la politisation des droits des réfugiés opérée par le gouvernement rwandais.
« Les dernières attaques de Paul Kagame contre les droits humains, cette fois contre ceux des réfugiés, ne font que s’ajouter à la liste des preuves attestant que le Rwanda n’est pas un partenaire international fiable et de bonne foi, et que le projet du Royaume-Uni d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda est fondé sur des contre-vérités et une politique cynique », a-t-il dénoncé.
Mudge estime par ailleurs que les propos de Paul Kagame font peut-être référence aux meurtres d’au moins 12 réfugiés congolais dans le camp de réfugiés de Kiziba, au Rwanda, en février 2018, lorsque la police a tiré à balles réelles sur des réfugiés qui protestaient devant le bureau de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) du district de Karongi, dans la province de l’Ouest.
« Ses dernières déclarations témoignent du refus des autorités de prendre leurs responsabilités et d’assurer que justice soit rendue pour les abus perpétrés par les forces de sécurité rwandaises, y compris à l’encontre de réfugiés. L’enquête de la commission nationale des droits humains sur les meurtres de 2018 a étouffé l’affaire et personne n’a été tenu pour responsable à ce jour. Au lieu de cela, la police rwandaise a arrêté plus de 60 réfugiés et les a accusés de participer à des manifestations illégales, de se livrer à des violences contre les autorités publiques et à des actes de rébellion, puis de désobéir aux forces de l’ordre. Certains ont également été accusés de propagation d’informations mensongères en vue de provoquer l’hostilité de l’opinion internationale vis-à-vis de l’État rwandais », a-t-il rappelé.
Le responsable de HRW en Afrique centrale souligne que la déclaration de Kagame intervient à un moment où le Rwanda vient de conclure un accord peu scrupuleux d’un montant de 120 millions de livres (environ 145 millions de dollars) avec le Royaume-Uni pour accueillir des demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni par des voies « irrégulières ».
« Outre avoir tenté d’édulcorer le bilan du Rwanda en matière de droits humains, les autorités britanniques ont cherché à justifier leur politique en affirmant que le Rwanda a une solide expérience en ce qui concerne l’accueil de réfugiés, ont environ 76 000 sont issus de la RD Congo voisine. En réalité, le gouvernement britannique ignore délibérément les faits », fustige-t-il.
Lewis Mudge précise aussi que de récentes enquêtes menées par le groupe d’experts des Nations Unies sur le Congo, ainsi que des recherches de Human Rights Watch, ont identifié des preuves selon lesquelles le Rwanda ne se contente pas seulement de fournir un soutien logistique au M23, mais intervient également directement sur le sol congolais avec ses propres troupes pour renforcer les rangs du groupe armé ou combattre à ses côtés.
Reagan Ndota