Dans son rapport final transmis au Conseil de sécurité de l’ONU, le Groupe d’experts sur la RDC a révélé avoir constaté une augmentation des activités d’un réseau criminel composé de civils, d’acteurs économiques et d’intermédiaires burundais et congolais et d’agents burundais en tenue qui se livraient à la contrebande de l’or entre la RDC et le Burundi.
Les enquêtes menées jusqu’au 15 avril 2023 ont démontré que les tensions actuelles entre la RDC et le Rwanda avaient perturbé la route de la contrebande de l’or vers le Rwanda, car les autorités congolaises avaient augmenté le contrôle des biens et des personnes transitant par la frontière. Par conséquent, indiquent les experts onusiens, les contrebandiers, y compris ceux liés aux groupes armés qui contrôlent les sites de production d’or dans les territoires d’Uvira et de Fizi, détournent de plus en plus le transfert illicite de l’or vers le Burundi, qui s’est avéré une plaque tournante de l’or commercialisé illégalement depuis la RDC.
Le Groupe d’experts dit avoir identifié un homme qui était au cœur des activités du réseau. Il s’est présenté sous différents noms, Célestin Nduwimana ou Gedeon Bigirimana, et comme ayant des occupations différentes, agent de renseignement burundais basé à Uvira ou policier burundais détaché à Uvira, où il prétendait assister le contingent burundais de la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est. Or, précise le rapport, le numéro de téléphone de la République démocratique du Congo utilisé par Célestin Nduwimana était enregistré sous un autre nom.
D’après de nombreuses sources contactées par les experts onusiens, Nduwimana était un intermédiaire clé qui mettait des contrebandiers de la RDC en contact avec des acheteurs du Burundi.
Le Groupe d’experts a confirmé qu’à six reprises au moins, entre décembre 2022 et mars 2023, Nduwimana a facilité l’acheminement d’or pour un total de 11 kg. Selon les informations reçues, ces transactions ont généré l’équivalent de 455 000 $.
« Ces six transactions ont révélé le modus operandi du réseau criminel concerné. Nduwimana a d’abord contacté des contrebandiers à Uvira pour leur faire part de son intérêt et leur promettre une opération lucrative au Burundi, leur garantissant la protection des autorités burundaises une fois qu’ils auraient franchi la frontière », peut-on lire dans le rapport.
Selon les experts, l’or provenant de la République démocratique du Congo a ensuite été blanchi par l’intermédiaire de coopératives officielles au Burundi. Plusieurs sources complices ont dit au Groupe d’experts que Nduwimana facilitait également les contacts entre les contrebandiers souhaitant passer au Burundi et les représentants des coopératives gérant des sites miniers au Burundi.
Au cours de ses enquêtes, le Groupe d’experts a par exemple obtenu un document manuscrit décrivant un accord frauduleux entre les coopératives Koribilorwa Twikenure Minyago et Dukorere Hamwe Dusoze Ikiwi pour acheter de l’or à des individus en provenance de la RDC. L’un des signataires de ce document est Noël Nshimirimana. Les experts ont obtenu un numéro de téléphone utilisé par Nshimirimana pour entrer en contact avec d’autres membres du réseau et constaté qu’il était enregistré sous un autre nom.
« Selon plusieurs personnes servant de « mules » (transporteurs) pour ce réseau criminel, l’or qu’elles transportaient vers le Burundi provenait des sites miniers de Misisi ou de Nyange, en République démocratique du Congo. Au moment de passer la frontière, elles répartissaient l’or entre plusieurs personnes afin de réduire le risque de tout perdre en cas d’arrestation. Toutefois, traverser la frontière entre Uvira, en République démocratique du Congo, et le Burundi présentait peu de problème, compte tenu du laxisme des contrôles et de l’absence de scanners ou de fouilles permettant de détecter le minerai », ajoute le rapport.
Dans une lettre adressée au Groupe d’experts en avril 2023, les autorités burundaises ont déclaré que les coopératives susmentionnées n’étaient pas impliquées dans l’exploitation de l’or de la République démocratique du Congo et que les personnes identifiées par le Groupe d’experts leur étaient inconnues.
Face à cette situation, les experts onusiens ont recommandé au gouvernement burundais d’enquêter sur les entités et les individus, y compris ceux mentionnés dans le présent rapport, impliqués dans l’exportation frauduleuse d’or de la RDC vers le Burundi, et d’engager des poursuites contre eux le cas échéant.