Alors que les Casques bleus concentrent désormais leurs opérations au Nord-Kivu et en Ituri, après s’être désengagés du Sud-Kivu, conformément au plan convenu par la RDC et l’ONU, Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix 2018, appelle à suspendre cette initiative, craignant l’exacerbation du vide sécuritaire dans un contexte d’agression rwandaise.
Exhortant le Conseil de sécurité de l’ONU à rester saisi de la crise sécuritaire RDC, l’homme qui « répare » les femmes (victimes de violences sexuelles dans les conflits armés) a appelé jeudi le gouvernement congolais et la Monusco à suspendre le plan de désengagement pour le Nord-Kivu et l’Ituri et à reconfigurer le mandat de la mission et de la Brigade d’Intervention, le temps de mener une réforme profonde du secteur de la sécurité et de la justice en RDC et de déployer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.
« Nous réitérons nos vives préoccupations quant au retrait accéléré de la Monusco et au transfert des responsabilités aux autorités nationales qui risquent de créer un vide sécuritaire et un déficit de protection des civils très dangereux dans le contexte actuel de la guerre d’agression et d’occupation à laquelle la RDC doit faire face », a-t-il déclaré, rappelant le dernier rapport du Groupe d’Experts de l’ONU établissant qu’entre 3000 et 4000 éléments de l’armée rwandaise sont présents sur le territoire congolais et opèrent conjointement avec le M23, groupe armé terroriste dont la recrudescence en novembre 2021 a largement contribué à l’aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire déjà dramatique au Nord Kivu.
Mukwege insiste : le plan de désengagement accéléré et de retrait devrait être suspendu, car, fait-il remarquer, « la RDC est encore loin du stade où la menace posée par les groupes armés nationaux et étrangers, notamment la CODECO, les ADF et le M23, ait été réduite à un niveau qui puisse être géré par les forces de sécurité et de défense congolaises ».
« Un risque sérieux de somalisation de la région »
Selon le célèbre activiste congolais, après le départ des Casques bleus, il y aura une aspiration de toutes les forces négatives de la région dans les provinces de l’Est entraînant ainsi l’escalade du conflit en cours avec des conséquences humanitaires incalculables, un risque sérieux de « somalisation » de la région et une menace accrue à la paix et à la sécurité internationales.
« Que la population congolaise quitte son sommeil, car l’absence de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national et le départ de la Monusco vont exacerber un vide qui existe déjà, et la nature a horreur du vide », a-t-il exhorté.
Par la même occasion, il a appelé les gouvernements membres du Groupe de contact international pour la région des Grands Lacs et les représentants des institutions garantes de l’Accord-Cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région à ne plus tolérer les violations systématiques des droits humains, du droit international, et de l’embargo sur les armes commises par le Rwanda, et à adopter un régime fort de sanctions pour obliger le régime de Kigali à retirer ses troupes du sol congolais et son soutien au M23.