Le roi des Belges Philippe entame mardi sa première visite officielle en République démocratique du Congo, pour relancer le partenariat avec le président Tshisekedi et poursuivre le travail de mémoire sur la période coloniale, encore omniprésente dans les esprits.
Ce déplacement de six jours, à l’invitation de Félix Tshisekedi, a une forte portée symbolique, deux ans après que Philippe a exprimé dans une lettre au chef de l’Etat congolais ses « plus profonds regrets » pour les « blessures » de la colonisation, une première historique.
Le souverain qui règne depuis 2013 avait regretté les « actes de violence et de cruauté » commis à l’époque où son ancêtre Léopold II avait fait du Congo sa propriété personnelle (1885-1908), avant le demi-siècle de présence de l’Etat belge.
Dans l’ancienne colonie, Philippe sera accompagné de son épouse, la reine Mathilde, et de membres du gouvernement belge dont son chef Alexander De Croo. Trois étapes sont prévues et le souverain doit prononcer un discours aux deux premières; à Kinshasa mercredi lors d’une cérémonie avec M. Tshisekedi devant le siège du Parlement congolais, puis vendredi face aux étudiants de l’université de Lubumbashi (sud).
« Il y aura aussi une référence au passé colonial », a indiqué le palais royal, sans plus de précisions.
Un « nouveau souffle »
Douze ans après la dernière visite d’un souverain belge (Albert II en 2010), celle-ci vise aussi à marquer le réchauffement d’une relation qui fut difficile pendant la fin de la présidence de Joseph Kabila (2001-2018). Ce dernier a été critiqué y compris par Bruxelles pour s’être maintenu au pouvoir au-delà de son deuxième mandat, en violation de la Constitution de son pays. La coopération a été un temps suspendue.
Mais des membres du gouvernement belge sont retournés à Kinshasa après l’arrivée au pouvoir de M. Tshisekedi dont l’ex Première ministre Sophie Wilmès début 2020, et le roi veut contribuer au « nouveau souffle » donné au partenariat depuis 2019, souligne-t-on au palais. Il s’agit d’« encourager les efforts de réforme ».
Initialement prévue en juin 2020 pour le 60e anniversaire de l’indépendance du Congo (ex-Zaïre, devenu la RDC), la visite a été reportée trois fois en raison de la pandémie de coronavirus puis de la guerre en Ukraine.
Elle intervient dans un contexte de regain de violences dans le Nord-Kivu (est), où la RDC accuse le pays voisin, le Rwanda, de soutenir des rebelles armés opposés aux autorités congolaises. La Belgique a appelé à un arrêt « immédiat » des combats, qui provoquent l’exode de milliers de civils.
Dans ce pays immense, où le PIB par habitant est un des plus faibles au monde malgré les richesses minières, l’Est est secoué par des massacres et violences depuis près de 30 ans, conséquence du génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda, dont certains auteurs ont fui vers la RDC.
« Faire la clarté »
Le couple royal ira témoigner sa solidarité auprès de ces populations meurtries, notamment les femmes victimes de viols. La dernière étape de leur périple est prévue le 12 juin à Bukavu, dans la clinique du gynécologue Denis Mukwege, co-lauréat du prix Nobel de la paix 2018 pour son combat contre les violences sexuelles.
Santé, éducation, formation, protection des forêts: Philippe et Mathilde auront au fil de leur visite un aperçu des secteurs où s’exerce l’aide au développement de la RDC, dont la Belgique est un partenaire clé, quatrième bailleur de fonds du géant africain après les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Une halte mercredi au Musée national à Kinshasa permettra également d’aborder la question de la restitution des objets d’art à l’ex-colonie, pour laquelle le gouvernement belge a défini une feuille de route en 2021.
La réflexion sur le passé colonial s’est brusquement accélérée en Belgique en 2020, dans le sillage du mouvement Black Lives Matter lié au meurtre de l’Afro-américain George Floyd. Après des manifestations de colère d’Afro-descendants, et des déboulonnages de statues de Léopold II par plusieurs municipalités, le Parlement a mis sur pied une commission spéciale chargée de « faire la clarté » sur ce passé.
C’est aussi à l’été 2020 que les enfants de Patrice Lumumba ont obtenu de se voir restituer par la justice belge une dent attribuée au héros assassiné de la lutte anticoloniale, qui fut éphémère premier Premier ministre du Congo indépendant. Après plusieurs reports, la cérémonie de restitution est prévue à Bruxelles le 20 juin, point de départ de commémorations en RDC.
Afriquactu et AFP