Le député fédéral belge, Malik Ben Achour, a interpellé mardi la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, sur l’attitude contradictoire de la Belgique au sujet de la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC, se traduisant selon lui, d’une part, par la condamnation de la présence des troupes rwandaises sur le sol congolais et de l’autre, par le financement des RDF via l’Union européenne (UE).
Dans son intervention à la Chambre des représentants, l’élu du PS a fait remarquer qu’il y a plusieurs éléments, des témoignages qui établissent la présence d’environ 3 000 soldats rwandais avec des drapeaux et uniformes rwandais au Nord-Kivu.
Rappelant la position exprimée vendredi 19 avril par l’ambassadrice belge en poste à Kinshasa, demandant au gouvernement congolais de porter plainte contre le Rwanda auprès des instances judiciaires internationales pour agression, Malik Ben Achour dit être étonné qu’au même moment, l’UE pourrait débloquer une enveloppe de 20 millions d’euros pour soutenir les opérations de l’armée rwandaise au Mozambique.
Face à cette contradiction, il a demandé à la cheffe de la diplomatie belge si des discussions sont-elles en cours au niveau de l’Union européenne sur le renouvellement de cette enveloppe destinée à l’armée rwandaise ? Si oui, a-t-il, ajouté, où en sommes-nous dans le processus de décision ? Est-il fluide ou au contraire contesté? Et la Belgique et d’autres États membres s’opposent-ils activement au renouvellement de cette enveloppe?
« Les affrontements s’accentuent au Nord-Kivu, plus spécifiquement dans les territoires de Rutshuru et de Masisi, non loin de Goma…Le vendredi 19 avril, l’ambassadrice belge en poste à Kinshasa a demandé au gouvernement congolais de porter plainte contre le Rwanda auprès des instances judiciaires internationales pour agression. C’est ce que relate en tout cas le média Radio Okapi à la suite d’une conférence de presse tenue à Goma en présence de 17 ambassadeurs accrédités par Kinshasa. Lors de cette conférence de presse, l’ambassadrice aurait rappelé que la Belgique a condamné à plusieurs reprises la présence des troupes rwandaises sur le sol congolais et en a demandé le retrait. Toujours, selon Radio Okapi, l’ambassadrice aurait déclaré que les simples condamnations ne suffisent pas et que la République démocratique du Congo dispose de suffisamment de matière, faisant référence notamment au rapport de l’ONU, pour introduire une plainte auprès de la Cour internationale de Justice. Je pense que cet encouragement est positif et témoigne de la volonté de la Belgique de chercher des solutions à ce conflit qui a trop duré. Néanmoins, je m’étonne de lire au même moment, dans la presse, que l’Union européenne pourrait débloquer de nouveaux fonds pour soutenir les opérations de l’armée rwandaise contre les jihadistes d’Ansar Al-Sunna au Cabo Delgado (dans le nord du Mozambique). On parle d’une enveloppe de 20 millions d’euros attribuée en 2022 dans le cadre du mécanisme de Facilité européenne et qui pourrait être prochainement renouvelée. N’y a-t-il pas là un signal contradictoire quand, d’un côté, nous encourageons la RDC à porter plainte contre le Rwanda et que, de l’autre, nous finançons l’armée rwandaise par la voie de l’Union européenne, le tout au milieu d’une crise humanitaire et sécuritaire de très grande ampleur à laquelle nous peinons à apporter une réponse suffisante? », a-t-il déclaré.
La crise humanitaire est catastrophique dans l’Est de la RDC. L’ONU a besoin de 2,6 milliards d’euros pour y faire face. Il y a 6,7 millions de déplacés et 25 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire. Plus de 8 millions de personnes, dont la majorité sont des femmes enceintes, des enfants et des jeunes mamans, souffrent de malnutrition aiguë et près de 9 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire pour leur survie.
Dans ce contexte, Malik Ben Achour pense que si on veut ne plus devoir gérer les conséquences, il faut évidemment pouvoir s’attaquer aux causes du problème qui sont profondes, structurelles et complexes dans la région.
La Belgique a un rôle moteur à jouer compte tenu de son histoire, qui lui donne aussi une responsabilité, a-t-il souligné, appelant ainsi le gouvernement de son pays à faire tout ce qu’il peut pour continuer à faire bouger les choses vers une solution durable dans la région.