Face à « l’échec » du sommet tripartite » de Luanda, qui éloigne l’espoir d’un accord de paix entre Kinshasa et Kigali, le Prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a souligné lundi l’urgence de revitaliser l’Accord-Cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, signé le 24 février 2013 entre la RDC, les pays des Grands Lacs et les partenaires extérieurs, visant à créer les conditions d’une solution définitive aux crises à répétition dans l’est du pays et dans la région.
Prévue dimanche à Luanda, la tripartite Tshisekedi-Kagame-Lourenço a été reportée sine die. Ce report a été demandé par le Rwanda, qui a conditionné la signature de l’accord proposé par la médiation angolaise au dialogue direct entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23. Une exigence rejetée par la RDC, condamnant l’absence du président rwandais Paul Kagame dans la capitale angolaise, alors que son homologue Félix Tshisekedi y était.
Pour Denis Mukwege, cet échec illustre l’impasse politique et diplomatique dans laquelle se trouve le processus de Luanda, malgré la bonne volonté du président João Lourenço. Dans ce contexte difficile, il a réitéré son appel à la redynamisation de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba qui, a-t-il souligné, constitue la dernière initiative sérieuse ayant comme objectif à mettre fin au conflit le plus meurtrier depuis la 2e guerre mondiale, vise à neutraliser et à démobiliser les groupes armés, nationaux et étrangers, et à réaffirmer les principes de base du droit international avec divers engagements de la RDC, des États voisins et de la communauté internationale.
« Cette impasse des processus de Luanda et de Nairobi remet à jour l’impératif de redynamiser l’Accord-Cadre d’Addis Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération, signé en 2013. Cet accord était le premier visant à « s’atteler aux causes profondes du conflit et à mettre fin aux cycles de violence récurrents » à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) et dans la région des Grands Lacs africains, avec divers États et institutions comme co-garants, y compris l’Union européenne, la Belgique, les Etats-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni et le soutien notamment des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Banque mondiale, dans le cadre de la consolidation d’une stratégie pour la paix et le développement », a-t-il déclaré lundi 16 décembre 2024, notant que les promesses portées par ce document sont loin d’être réalisées à ce jour.
Alors que les combats se poursuivent dans l’est de la RDC, le célèbre activiste congolais a estimé que le temps n’est plus à des condamnations creuses et à des paroles vides. Ainsi, a-t-il exhorté la RDC et ses partenaires tant publics que privés à s’attaquer aux principales causes structurelles qui constituent les éléments moteurs des conflits qui persistent, à savoir l’exploitation et le commerce illégal des ressources naturelles et la culture de l’impunité.
Aussi, a-t-il martelé, « il faut impérativement que les Etats-Unis d’Amérique, l’UE, la France, le Royaume-Uni et d’autres partenaires adoptent des sanctions politiques et économiques, et suspendent leur assistance militaire au Rwanda tant qu’il soutiendra le M23 et agressera la RDC, et tant que les États de régions ne respecteront pas de bonne foi les engagements pris au titre de l’Accord-Cadre ».
De son avis, c’est le « seul langage » mettra fin à la souffrance des millions de Congolais en errance dans l’est du pays, due à l’ingérence rwandaise.
Le gouvernement congolais, quant à lui, a réaffirmé son engagement à poursuivre les efforts pour rétablir une paix juste et durable dans les Grands Lacs à travers le processus de Luanda. Kinshasa a toutefois condamné la posture « irresponsable » du Rwanda consistant à introduire « à la dernière minute » de la réunion ministérielle samedi à Luanda, la tenue dialogue direct entre la RDC et les rebelles du M23 comme un préalable à la signature de l’accord de paix. Pour les autorités congolaises, l’attitude de l’administration Kagame met en péril la paix et compromet les avancées majeures enregistrées notamment la signature d’un plan opérationnel permettant d’une part le retrait des forces rwandaises du territoire congolais et d’autre part, le désarmement et la neutralisation des FDLR.