Trois décennies de guerre (d’agression) avec des effets dévastateurs : plus de 10 millions de morts, plus de 11 millions de personnes déplacées, richesses naturelles pillées, femmes et filles violées… L’invasion rwandaise de la RDC est le conflit le plus meurtrier sur la planète depuis la seconde guerre mondiale. Mais, l’ancien président congolais, Joseph Kabila, qui vient de sortir de ses gonds, a choisi d’angéliser les agresseurs contre sa patrie en plein combat existentiel. A l’instar de Kagame, reconnu pourtant par la communauté internationale comme le principal artisan de l’agression, le taiseux PO4 a accusé Félix Tshisekedi d’être responsable de cette crise.
Sans condamner l’agression rwandaise, Joseph Kabila a, dans une tribune publiée dans un journal sud-africain, Sunday Times, épousé la thèse de Paul Kagame sur l’est de la RDC, appelant à s’attaquer aux causes profondes du conflit qui, selon l’homme fort de Kigali sont notamment « la mauvaise gouvernance, les droits des tutsi congolais et les FDLR ».
Pour le leader du PPRD, « toute tentative de trouver une solution à cette crise qui ignore ses causes profondes, au premier rang desquelles se trouve la gouvernance de la RDC par ses dirigeants actuels, n’apportera pas une paix durable ».
Kabila est d’avis que « la crise ne se limite pas aux actions incontrôlées du M23, présenté à tort comme un groupe anarchiste, un proxy d’un État étranger sans revendications légitimes, ni à un simple désaccord entre la RDC et le Rwanda ».
Depuis 1998, le Rwanda ne cesse d’affirmer qu’il cherche à protéger les Tutsi congolais, même si cette volonté est mise en doute par cette communauté elle-même. Récemment, Paul Kagame a affirmé que « le M23 et ceux qu’il représente sont privés de leurs droits à la citoyenneté et à la nationalité. Pourtant ils sont congolais, (Félix) Tshisekedi ne le nie même pas. Ils sont ouvertement persécutés et victimes de discours de haine ».
Ainsi, à la manière de Kagame, Kabila s’est opposé au soutien militaire sud-africain aux FARDC qui sont déterminées à défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays face à l’offensive de l’armée rwandaise et le M23.
« Le monde attend de voir si l’Afrique du Sud, connue pour son humanisme et ses valeurs, continuera à envoyer des troupes en RDC pour soutenir un régime tyrannique et lutter contre les aspirations du peuple congolais », a-t-il dit.
Cependant, l’option portée sur le média sud-africain, pour s’exprimer sur ce conflit, n’est pas anodine. Déjà que le moment est bien choisi, alors que le Rwanda est cuit diplomatiquement. Il s’agit clairement d’une communication destinée à l’administration Ramaphosa, mieux aux dirigeants de la SADC pour tenter d’obtenir (pour Kigali), là où Kagame a mordu la poussière, le retrait des troupes de l’Afrique australe.
L’ancien chef de l’État congolais vole donc au secours de Kagame, qui a toujours estimé que, dans cette crise, « l’Afrique du Sud a tort ». Compte tenu de son histoire, de ses relations avec les autres pays, « pourquoi devrait-elle s’impliquer là-dedans ? », s’est interrogé le président rwandais, dans une interview accordée à Jeune Afrique, disant ne pas comprendre « comment l’Afrique du Sud, en connaissance de cause, accepte de combattre aux côtés des FDLR, des génocidaires qui ont assassiné notre peuple. Je ne comprends pas non plus comment l’Afrique du Sud pourrait se rendre en RDC pour lutter contre des gens (Tutsi) qui se battent pour défendre leurs droits ».
Et à Kabila de souligner : « Compte tenu de l’histoire de ses États membres, la SADC devrait en savoir plus. Les griefs du peuple congolais contre son gouvernement doivent et devraient être pris en compte ».
Les deux personnalités ont la même (fausse) perception de la crise. Ce qui a poussé le prédécesseur de Félix Tshisekedi à ignorer les atrocités commises par l’armée rwandaise sur le sol congolais. Il a opté pour le déni, alors que les zones de l’est de la RDC contrôlées par les RDF-M23 sont administrées comme un État avec des fonctionnaires, des collectes d’impôts, des concessions minières et un recrutement militaire.
Au Nord-Kivu particulièrement, plus de 5000 civils ont été tués. L’ONU a confirmé des cas d’exécutions sommaires, recrutements d’enfants soldats, violences sexuelles… Ces exactions ont été perpétrées en violation notamment de l’article 4 de la quatrième Convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, qui spécifie que « sont protégées par la Convention les personnes qui, à un moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une partie au conflit ou d’une puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes ».