Trois ans et demi depuis l’accession du président Félix Tshisekedi au pouvoir en RDC, l’ONG Human Rights Watch dit n’avoir pas vu « de progrès significatifs en matière de droits humains ou de réformes systémiques nécessaires pour briser les cycles de violence, d’abus, de corruption et d’impunité qui accablent le pays depuis des décennies ».
Dans son intervention devant la Commission des droits de l’homme « Tom Lantos » du congrès américain, la directrice de la division Afrique de HRW, Ida Sawyer a indiqué que la majorité des mesures annoncées par l’administration Tshisekedi n’ont pas été concrétisées. « Dans certains cas, il semble qu’un grand nombre des mêmes pratiques et systèmes corrompus et abusifs qui caractérisaient l’administration Kabila se soient poursuivies avec les nouveaux dirigeants au pouvoir », a-t-elle dénoncé.
Par ailleurs, Ida Sawyer a fait remarquer que malgré certaines mesures positives prises au cours de la première année du mandat du président Tshisekedi pour libérer les prisonniers politiques et permettre le retour des exilés, la répression des journalistes, des activistes, des critiques du gouvernement et des manifestants pacifiques s’est intensifiée au cours des deux dernières années.
« Dans l’Est de la RD Congo, les forces de sécurité ont tué en janvier 2022 un activiste du mouvement de jeunesse LUCHA qui protestait contre l’état de siège, et plus d’une douzaine d’activistes qui avaient également fustigé la poursuite des meurtres se trouvent toujours en détention aujourd’hui. Plusieurs journalistes ont reçu des menaces après des reportages jugés critiques à l’égard de l’administration Tshisekedi ou de sa réponse à la situation sécuritaire dans l’est du pays. Le 9 avril, à Fungurume, près de Kolwezi, un activiste des droits humains est mort dans des circonstances suspectes et son corps a été déposé à la morgue par des policiers – peu après avoir dénoncé le détournement de redevances minières. Le 22 avril, la police a violemment dispersé un sit-in organisé par des partisans de l’opposition politique devant le Parlement à Kinshasa pour réclamer un consensus autour de la loi électorale, blessant au moins 20 manifestants et arrêtant six d’entre eux », a-t-elle dénoncé.
La directrice de la division Afrique de HRW prévient que cette répression pourrait s’aggraver dans les mois à venir, en particulier en raison des tensions qui entourent le processus électoral, notamment « l’absence de consensus sur les nominations à la commission électorale et la nouvelle loi électorale, l’impression que des fidèles de Tshisekedi ont été placés au sommet d’autres institutions clés, notamment la Cour constitutionnelle, chargée de confirmer les résultats des élections et de résoudre les litiges électoraux, et les craintes quant à la tenue effective des élections avant la fin de 2023 ».
Face à la détérioration de la situation et des conséquences potentiellement « dévastatrices » pour la RDC et la région si rien n’est fait, Ida Sawyer pense qu’ il est temps que le gouvernement américain adopte une nouvelle approche et s’engage au plus haut niveau.
Un tel engagement devrait, selon elle, prévoir la nomination d’un nouvel envoyé spécial pour les Grands Lacs, doté de ressources suffisantes pour aider à diriger et à mettre en œuvre une nouvelle stratégie visant à relever les défis sur les plans sécuritaire, humanitaire, des droits humains et de la corruption, auxquels la RD Congo et la région sont confrontés.
Reagan Ndota