L’Occident utilise l’aide humanitaire comme un outil permettant de « diriger manuellement » les États qui doivent recourir à cette aide, dénonce la Russie, qui appelle les Africains à « ne pas succomber à cette tromperie » car, fait-elle remarquer, l’aide des donateurs des États occidentaux n’est pas gratuite. « Cela s’accompagne toujours de certaines conditions politiques préalables », a souligné jeudi devant le Conseil de sécurité de l’ONU Dmitry Polyanskiy, chargé d’affaires de la Fédération de Russie.
Le Conseil de sécurité a organisé jeudi un débat public axé sur la « famine et l’insécurité alimentaire mondiale engendrée par les conflits », événement phare de la présidence américaine du CS de l’ONU et présidé par le secrétaire d’État Antony Blinken.
Dans son intervention, Dmitry Polyanskiy a déploré notamment le fait que les pays occidentaux jaillissent de chiffres concernant l’aide humanitaire qu’ils apportent aux pays en développement, comme si « cela suffit à compenser les dommages infligés par des siècles de politiques coloniales cruelles, le pillage des ressources naturelles et l’exploitation de la population ».
Pour la Russie, l’aide humanitaire occidentale est une « tromperie » à laquelle les Etats africains particulièrement ne devront pas « succomber » car, dit Polyanskiy, les habitudes et les méthodes des anciens colonisateurs n’ont pas changé. « Ils viennent simplement dans un nouvel emballage », a-t-il interpellé.
« Pour chaque dollar qu’ils ont ostensiblement dépensé en aide, ils exigeront de payer avec votre souveraineté et votre indépendance politique. De nombreux États africains en ont déjà fait l’expérience et ne veulent pas accepter cette approche. Apparemment, cela fait perdre le sommeil à J.Borrell dans son « jardin céleste », car il a décidé aujourd’hui tout d’un coup qu’en vendant des céréales à bas prix, la Russie rendrait l’acheteur dépendant. Je ne commenterai même pas cette logique délirante du chef de la diplomatie européenne. Disons simplement que les faits ne plaident pas en sa faveur », a ajouté le diplomate russe.
De l’analyse de la Russie, l’Occident n’est pas un partenaire faible pour l’Afrique. Le pays de Vladimir Poutine a motivé sa position par le fait que l’ampleur de l’aide des États-Unis et de ses alliés aux pays du Sud ne peut être comparée à ce qui a été alloué au cours des deux dernières années pour acheter des armes pour un « guerre par procuration » contre la Russie.
« Selon les estimations les plus prudentes, cela s’élève à 80 milliards d’euros, tandis que le montant total des fonds alloués à l’Ukraine est de 165 milliards d’euros. À titre de comparaison, le total que l’OCHA de l’ONU a demandé aux donateurs pour toutes les opérations humanitaires en 2023 était de 55,2 milliards de dollars, et jusqu’à présent, seuls 24,8 % de ce montant ont été collectés. Pouvez-vous imaginer quel bien pourrait être fait dans le monde si les États-Unis et leurs alliés dépensaient de l’argent pour l’aide au développement aussi facilement qu’ils payaient pour des guerres à travers le monde ? », a indiqué Dmitry Polyanskiy.
Par ailleurs, Polyanskiy affirme que la Russie n’a jamais considéré l’Afrique, l’Asie ou l’Amérique latine comme un espace de profit. Malgré tous les obstacles « imposés par les États-Unis et leurs alliés », la Russie assure qu’elle continuera d’aider les personnes dans le besoin dans le monde entier.
« Nous avons construit et continuerons à construire des usines, des écoles, des hôpitaux, des universités pour que vous puissiez utiliser vos ressources naturelles pour fabriquer des produits finis à valeur ajoutée au lieu d’exporter des matières premières, pour que vos jeunes préfèrent rester chez eux plutôt que de partir en masse », a-t-il dit.
Dans ce contexte, la Russie se dit conscient de l’importance d’avoir un approvisionnement ininterrompu en denrées alimentaires pour les pays africains, ce qui est essentiel pour le développement socio-économique et le maintien de la stabilité politique. « C’est pourquoi nous accordons une attention particulière à l’approvisionnement de nos amis africains en blé, orge, maïs et autres céréales, y compris via les canaux du PAM », a-t-il ajouté.
Comme annoncé lors du récent sommet Russie-Afrique, Dmitry Polyanskiy confirme que son pays est prêt à fournir gratuitement au Burkina Faso, au Zimbabwe, au Mali, à la Somalie, à la République centrafricaine et à l’Érythrée 25 à 50 000 tonnes de céréales dans les mois à venir, et précise qu’ils assureront la livraison gratuite de ces produits aux consommateurs.