Le célèbre militant des droits de l’homme, Denis Mukwege, se met en opposition face à la décision du gouvernement congolais relative au rétablissement de la peine de mort. Pour le Prix Nobel de la paix 2018, qui prône l’abolition, cette mesure viole l’un des droits les plus fondamentaux, « le droit à la vie ».
Alors que l’administration Tshisekedi a motivé la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort, décrété en 2003, par la nécessité de débarrasser l’armée des traîtres et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entrainant mort d’hommes, Denis Mukwege a affirmé samedi 16 mars que cette décision est « inconstitutionnelle et illustre une dérive autoritaire et un recul inquiétant du système de protection national des droits humains ».
Pour appuyer sa position, l’ancien candidat à la présidentielle de décembre 2023 a rappelé que l’article 16 de la Constitution dispose que : « la personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique ainsi qu’au libre développement de sa personnalité dans le respect de la loi, de l’ordre public, du droit d’autrui et des bonnes mœurs… ».
Le gouvernement a estimé que le moratoire était aux yeux de tous les infracteurs comme un gage à l’impunité car, même lorsqu’ils ont été condamnés de manière irrévocable à la peine capitale, ils étaient assurés que cette peine ne serait jamais exécutée à leur endroit.
« Cette mesure populiste est particulièrement dangereuse dans un pays où la justice est dysfonctionnelle et malade, le déficit d’indépendance et d’impartialité du système judiciaire est notoire et la justice militaire ne prévoit pas de double degré de juridiction, en violation des garanties procédurales inhérentes à un procès équitable », a prévenu Mukwege, souligant que de nombreuses études ont démontré le caractère non dissuasif de la peine de mort.
Pour consolider un Etat de droit protecteur des libertés fondamentales, Denis Mukwege prône « l’abolition pure et simple » de la peine de mort et une réforme profonde des secteurs de la sécurité et de la justice.
Ainsi, a-t-il rappelé au gouvernement les dispositions de l’article 61 de la Constitution selon lesquelles : « en aucun cas, et même lorsque l’état de siège ou l’état d’urgence aura été proclamé conformément aux articles 85 et 86 de la présente Constitution, il ne peut être dérogé aux droits et principes fondamentaux énumérés ci-après : 1. le droit à la vie ; 2. l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; 3. l’interdiction de l’esclavage et de la servitude ; 4. le principe de la légalité des infractions et des peines ; 5. les droits de la défense et le droit de recours ; 6. l’interdiction de l’emprisonnement pour dettes ; 7. la liberté de pensée, de conscience et de religion ».