Exécuter les condamnés à mort « pour traîtrise » est un « pas en arrière », dénonce l’archevêque métropolitain de Kinshasa, Fridolin Ambongo, qui ne souhaite pas que le régime Tshisekedi profite de ce qu’il qualifie de « notion floue » de traîtres, pour des règlements de comptes aux adversaires politiques.
Le Cardinal Fridolin Ambongo est totalement opposé à la décision prise par le gouvernement congolais relative à la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort. Présente dans la législation nationale, cette sentence n’était pas appliquée depuis 2003. Les personnes condamnées étaient systématiquement gardées en prison à vie.
Pour le gouvernement, le rétablissement de l’application de cette peine se justifie par la nécessité de débarrasser l’armée des traîtres et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entrainant mort d’hommes.
Dans sa réaction, l’archevêque métropolitain de Kinshasa a fait remarquer que, ce sont ceux qui sont au pouvoir qui sont « les grands traîtres », car ne travaillant pas pour l’intérêt de la population.
« C’est un pas en arrière ! Je ne trouve pas qu’un gouvernement responsable puisse lever une telle option pour punir des gens qu’on appelle des traîtres. Premièrement, la notion des traîtres, nous devons d’abord nous mettre d’accord sur ce que cela signifie. Et quand je prends la réalité de chez nous au Congo, mais les grands traîtres à la patrie, ce sont justement ceux qui sont au pouvoir. Dès lors qu’ils ne servent pas l’intérêt du peuple, ce sont eux qu’on doit commencer à considérer comme des traîtres parce qu’ils n’assument pas les rôles pour lesquels ils ont reçu des charges c’est-à-dire des services à la population. Je ne souhaiterais pas qu’on profite d’une notion floue de traîtres pour des règlements de comptes sur le plan politique », a déclaré Fridolin Ambongo dans un interview accordée à Philippine de Saint Pierre, directrice générale de la Télévision catholique (KTOTV).
La ministre de la Justice, Rose Mutombo, motivant la décision du gouvernement, a indiqué que le moratoire était aux yeux de tous les infracteurs comme un gage à l’impunité car, même lorsqu’ils ont été condamnés de manière irrévocable à la peine capitale, ils étaient assurés que cette peine ne serait jamais exécutée à leur endroit.
Pour l’opposant Martin Fayulu, cette décision menace les résistants/opposants politiques en les exposant à des règlements de compte.
Dans une déclaration, le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a aussi dénoncé cette mesure qui, selon lui, est inconstitutionnelle et illustre une dérive autoritaire et un recul inquiétant du système de protection national des droits humains.
« Cette mesure populiste est particulièrement dangereuse dans un pays où la justice est dysfonctionnelle et malade, le déficit d’indépendance et d’impartialité du système judiciaire est notoire et la justice militaire ne prévoit pas de double degré de juridiction, en violation des garanties procédurales inhérentes à un procès équitable », a-t-il tonné, souligant que de nombreuses études ont démontré le caractère non dissuasif de la peine de mort.