Paul Kagame tient à sauvegarder la souveraineté du Rwanda qu’il dirige depuis la fin du génocide de 1994. Dans un contexte de conflit armé avec la RDC, le président rwandais a affirmé lundi 15 avril que « les guerres sont menées pour une cause justifiée ».
Les Forces rwandaises de défense (RDF) opérant en coalition avec les rebelles du M23 contrôlent de pans entiers du Nord-Kivu. Cette violation du droit international a été dénoncée par le Conseil de sécurité de l’ONU qui a exigé le retrait immédiat des troupes rwandaises du territoire congolais et la fin des hostilités. Mais le Rwanda faisant la sourde oreille poursuit ses opérations militaires. Kigali justifie ses interventions par la présumée menace contre sa sécurité que constituerait les FDLR, une rébellion rwandaise active dans l’Est de la RDC accusée d’avoir participé au génocide de 1994.
Paul Kagame qui présidait lundi la fin de la formation de 624 nouveaux officiers des Forces rwandaises de défense, a indiqué le Rwanda s’engage dans un conflit lorsque sa liberté et sa souveraineté sont menacées.
« La profession que vous avez choisie ne consiste pas uniquement à combattre ou à inciter à des conflits, comme certains peuvent le penser. Les guerres sont menées pour une cause justifiée. Au Rwanda, nous envisageons de nous engager dans un conflit lorsque notre liberté et notre souveraineté sont menacées. Beaucoup de ceux qui ont péri dans notre tragique l’histoire ne faisaient pas partie de l’armée. Je mentionne cela pour dissiper toute appréhension à l’idée de rejoindre cette carrière professionnelle, c’est une noble vocation qui vous protège, vous, votre nation et tous les Rwandais », a-t-il déclaré.
La crise du M23
Les combats entre l’armée congolaise et la coalition M23-RDF se sont intensifiés autour de Saké, dernier verrou avant Goma, chef-lieu du Nord-Kivu.
Lors d’une conférence de presse animée le 8 avril à Kigali, en marge de la commémoration du 30 ans du génocide rwandais, Paul Kagame a répondu à une question de l’AFP sur le soutien rwandais aux rebelles du M23.
Question : Votre gouvernement a précédemment nié soutenir le mouvement. Ce déni tient-il toujours un an et demi plus tard ? Et quelle est la relation actuelle entre le gouvernement rwandais et le M23 ? Merci.
Paul Kagame : Eh bien, à ceux qui nous accusent, je leur demanderais pourquoi ils ne soutiennent pas eux-mêmes le M23. Y compris l’AFP, en tant que journaliste, pourquoi ne soutenez-vous pas le M23 ? Ou pourquoi la question est-elle : soutenez-vous le M23 ou ne soutenez-vous pas le M23 ? Tout d’abord, qu’est-ce que le M23 ?
Le M23 est une organisation née au Congo et hors du Congo. C’est le numéro un. Deuxièmement, ce sont des Congolais. Et vous entendrez même le Congo l’admettre.
Maintenant, pourquoi existent-ils ? Pourquoi se battent-ils ? Pourquoi ont-ils des armes est une autre question. C’est aussi une question simple. Ils existent parce qu’on leur a refusé leurs droits en tant que citoyens de ce pays. On les appelle les Tutsis du Rwanda.
Très bien, mais il faut aussi être un peu instruit sur l’histoire. Nous avons des communautés rwandaises au Congo qui sont congolaises, et d’ailleurs, ce ne sont pas seulement des Tutsis, c’est la même structure sociale de notre pays qui est aussi là au Congo. En fait, ils se trouvent dans d’autres pays voisins, mais ils sont citoyens de ces pays.
Nous avons 100 000 personnes originaires de cette communauté, 100 000 qui vivent ici au Rwanda dans des camps de réfugiés depuis deux décennies. Pourquoi? Parce qu’ils sont arrachés à leurs foyers ancestraux, persécutés et envoyés à travers l’Ouganda, ils sont en fait plus nombreux en Ouganda. Il y en a 100 000 ici, il y en a des centaines de milliers là-bas en Ouganda, encore plus.
Le M23 est donc né de cette situation. C’est pour cela que j’ai posé la question, j’ai dit : pourquoi personne d’autre ne le ferait-il, pourquoi nous, pourquoi sommes-nous accusés, en tant que Rwanda, de soutenir le M23 ? Et je dis que même ceux qui nous accusent devraient les accuser de ne pas soutenir le M23 parce que c’est comme s’ils étaient d’accord avec l’injustice qui est faite à cette communauté. Sinon, si vous n’êtes pas d’accord avec cette injustice, vous soulèveriez des questions.
Pourquoi ces gens du M23 sont-ils traités ainsi ? Pourquoi avons-nous 100 000 réfugiés ici au Rwanda ? C’est de là que vous commenceriez, sans demander au Rwanda : soutenez-vous le M23 ou non ? Vous niez toujours ? Parce que vous posez la mauvaise question. La question n’est pas de savoir si quelqu’un soutient ou non le M23. La question est de savoir quel est réellement le problème du M23 ? C’est en fait la question que vous auriez dû poser. Quel est le problème? Qu’est-ce que c’est que cette chose appelée M23 ? Sont-ils des êtres humains, sont-ils des Rwandais, sont-ils des Congolais ? Pourquoi? Pourquoi existent-ils ? Pourquoi ont-ils des armes et combattent-ils dans leur propre pays ?
C’est la bonne question qu’on devrait me poser.
Donc, que le Rwanda soutienne ou soit associé d’une manière ou d’une autre n’a en réalité aucune importance, cela n’a aucune importance pour la question ou même pour vous, si vous voulez vous éduquer ou éduquer le public, la question aurait dû être simple. Au fait, demandez-moi, qu’est-ce que vous entendez par M23 ? Qu’est-ce que c’est? C’est une bonne question. C’est à cela que j’aimerais être associé, plutôt que de savoir si j’appuie ou non.