En expulsant les migrants vers le Rwanda, le Royaume-Uni « viole la convention relative aux réfugiés », dénonce l’ONU qui fait remarquer que le partenariat rwando-britannique vise à déplacer la responsabilité de la protection des réfugiés, sapant ainsi la coopération internationale et créant un précédent mondial inquiétant.
Le projet de loi adopté lundi par le Parlement britannique, regrette l’ONU, faciliterait les transferts dans le cadre du partenariat d’asile entre le Royaume-Uni et le Rwanda, avec une prise en compte limitée de leur situation individuelle ou de toute protection des risques.
Dans une déclaration faite mardi, Filippo Grandi, le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, et Volker Türk, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, ont appelé le gouvernement britannique à reconsidérer son projet de transférer les demandeurs d’asile vers le Rwanda et à prendre plutôt des mesures pratiques pour lutter contre les flux irréguliers de réfugiés et migrants, sur la base de la coopération internationale et du respect du droit international des droits de l’homme.
Pour les deux Onusiens, le Royaume-Uni devrait poursuivre une coopération pratique avec les pays situés le long des itinéraires empruntés par les réfugiés et les migrants, afin de renforcer la protection et d’offrir de véritables alternatives. Cela implique d’élargir les voies sûres et régulières vers la protection, ont-ils dit.
« En transférant la responsabilité des réfugiés, en réduisant la capacité des tribunaux britanniques à examiner les décisions d’expulsion, en restreignant l’accès aux recours juridiques au Royaume-Uni et en limitant la portée des protections nationales et internationales des droits de l’homme pour un groupe spécifique de personnes, cette nouvelle législation entrave sérieusement la l’état de droit au Royaume-Uni et crée un précédent périlleux à l’échelle mondiale », dénonce l’ONU qui juge « essentiel », pour la protection des droits humains et de la dignité des réfugiés et des migrants en quête de protection, que tous les renvois depuis le Royaume-Uni soient effectués après avoir évalué leur situation individuelle spécifique, dans le strict respect du droit international des droits humains et du droit des réfugié.
Le projet de loi sur la sécurité du Rwanda (asile et immigration) a été déposé devant le Parlement parallèlement au traité de partenariat entre le Royaume-Uni et le Rwanda en matière d’asile après que la Cour suprême britannique ait estimé l’année dernière que le transfert proposé de demandeurs d’asile vers le Rwanda violerait le droit international et britannique, notant des faiblesses dans le système rwandais de détermination des demandes d’asile individuelles. Mais dans la pratique, le projet de loi et le traité ne comblent pas les lacunes de protection identifiées par la Cour suprême. Au contraire, une fois promulguée, la loi empêchera les tribunaux britanniques d’examiner correctement les décisions d’expulsion, laissant aux demandeurs d’asile une marge de recours limitée, même s’ils sont confrontés à des risques importants.
Selon l’ONU, si ce texte était mis en œuvre, il ouvrirait la voie à l’envoi sommaire des demandeurs d’asile, y compris des familles avec enfants, au Rwanda pour présenter leur demande d’asile, sans aucune perspective de retour au Royaume-Uni.
« Cela limitera également considérablement la possibilité pour les demandeurs d’asile de contester ou de faire appel des décisions d’expulsion, les décideurs et les juges étant tenus de traiter de manière concluante le Rwanda comme un pays « sûr » en termes de protection des demandeurs d’asile – indépendamment de toute preuve du contraire », ont dénoncé Grandi et Türk.
Cette situation est d’autant plus préoccupante que la législation autorise expressément le gouvernement à ignorer tout recours provisoire de protection de la Cour européenne des droits de l’homme, a souligné l’ONU.