De l’état des lieux de la gouvernance en RDC, entre 2022 et 2023, dressé par l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), il se dégage plusieurs violations des droits et libertés fondamentaux par les forces de défense et de sécurité, contredisant ainsi les engagements pris par le président Félix Tshisekedi d’instaurer un Etat « véritablement de droit ».
Même si quelques avancées peuvent être signalées dans la promotion des droits de l’homme, l’ACAJ a cependant fulminé contre les services de renseignement qui, dénonce-t-elle, ont décidé de s’affranchir du droit en optant pour le règne de la terreur où les droits et libertés fondamentaux peuvent être bafoués sans qu’aucune sanction ne s’en suive.
Selon cette organisation de la société civile qui a une mission basée essentiellement sur la promotion et la protection des droits de l’homme, « sous couvert ondoyant d’atteinte à la sécurité nationale », les services de sécurité et autres interpellent et détiennent certains citoyens pour des causes relevant des juridictions civiles et sans respecter les droits fondamentaux garantis par les articles 17, 18 et 19 de la Constitution.
« Malheureusement, les méthodes condamnées et décriées par le passé font curieusement un retour en force, qui se traduisent par diverses dérives et absurdités », a tonné l’ACAJ à l’occasion du douzième anniversaire de son existence.
Ce tableau sombre n’est pas dressé sur base des affabulations. Pour illustrer les cas de détention illégale dans des cachots des services de sécurité « transformés en juridictions d’exception », pourtant promis à la disparition par le président Félix Tshisekedi à sa prise de fonction, l’ACAJ a cité les noms de quelques compatriotes dont certains ont, dans l’entre-temps, été transférés au Parquet ou devant les juridictions dans l’attente de leur sentence.
•Monsieur Salomon Kalonda Idi Della, conseiller spécial de l’opposant Moise Katumbi, candidat déclaré à l’élection présidentielle de décembre 2023, a été arrêté le 30 mai 2023 à l’aéroport de Ndjili, par les services de renseignements militaires. Transféré le 10 juin 2023 à l’auditorat militaire puis à la prison de Ndolo;
•Maître Kumbalani Batindie Ethy, avocat au Barreau de I’Ituri, a été arrêté et détenu par le service de l’ANR depuis la fin du mois de février 2023, pour une affaire civile liée à une dette alors que celle-ci avait déjà fait l’objet d’un arrangement à l’amiable entre lui et son créancier;
•Monsieur Masamba Makandi Shadrack, a été arrêté en date du 30 mai 2023 pour des faits civils résultant de la non-application d’un protocole d’accord conclu avec son débiteur en date du 30 juillet 2022 devant le parquet près le Tribunal de Grande Instance de Kinhasa-Gombe,puis acheminé manu militari à l’ANR où il a été détenu en violation de ses droits fondamentaux;
•Monsieur Lokanga Omekenge Albert, enlevé en date du 28 avril 2023, dans la commune de la Gombe par des agents de l’ANR avant d’être acheminé vers une destination inconnue jusqu’à ce jour;
•Monsieur Lutonesha Kwitunga Tony, arrivé à Kinshasa en provenance de Goma pour recouvrer sa créance auprès du ministère de la Défense nationale, est porté disparu depuis le 26 janvier 2023, mais d’après certains témoignages fiables, il est détenu à l’ANR privés de la jouissance de ses droits;
•Monsieur Alexandre Nsanzabaganwa,, arrêté au Beach Ngobila le 20/06/2022 et placé immédiatement en détention à l’ANR jusqu’à ce jour sans droit de jouir de ses droits fondamentaux;
•Monsieur Aimable Nkurunziza, arrêté à Bukavu le 20 avril 2023, puis transféré à Kinshasa le 6 juin 2023 où il est détenu à l’ANR dans les mêmes circonstances que dessus;
•Monsieur Len’s Omelonga, membre du parti politique ENVOL, arrêté pour des faits civils, a passé 66 jours à l’ANR avant d’être transféré le 07 juillet 2023 au Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete qui à fixé son dossier devant le Tribunal;
•Muramba Wa Bushika Pierre, chef de groupement Ufamandu II, secteur de Katoyi, territoire de Masisi, province du Nord Kivu, arrêté à Goma, le 19 Juin 2023 par l’ANR pour des faits non connus avant d’être transféré à Kinshasa le 04 juillet 2023 où il est détenu à l’ANR jusqu’à ce jour sans droit de visite, ni d’assistance d’avocat, ni d’être présenté devant une autorité judiciaire compétente;
•Monsieur David Ilunga Nshimbi, proche collaborateur du général John Numbi, enlevé à Lubumbashi le 30 avril 2023 et détenu à ce jour sans droit de jouissance de ses droits fondamentaux;
•Monsieur Olivier Mesongolo, en détention à l’ANR depuis décembre 2022 pour une affaire d’or sans droit de jouissance de ses droits fondamentaux.
•Monsieur Jeff Mulongo, journaliste à la Radio OKAPI, arrêté en date du 28 juin 2023 à l’occasion de l’exercice de sa profession, jeté dans une jeep où il a subi des tortures au même titre que huit (8) avocats et 3 enfants de Me Benoit Tshibangu, et acheminés tous à la DEMIAP où il a été torturé et placé en détention dans une cellule appelée << Zaïre». Il y a passé une nuit et fut libéré le 29 juin 2023 sans jamais être auditionné sur Procès-Verbal. Alors que ses compagnons d’infortune furent libérés la même nuit du 28 juin 2023 vers 23heures sans jamais aussi être entendus sur Procès-Verbal;
•Monsieur Mugabo Claude, arrêté à Goma le 20 mai 2023 et transféré à Kinshasa au cours du mois de juillet et est détenu sans droit de jouissance de ses droits comme tous les autres détenus;
•Docteur Lazare Rukundwa Sebitereko, arrêté le 28 juin 2023 à la frontière Uvira/Burundi, puis transféré à Bukavu et Goma le 30 juin avant de se retrouver détenu depuis le 01 juillet 2023 à la DEMIAP à Kinshasa;
•Monsieur Ndabaramiye Michel, arrêté le 01 novembre 2022 à Kinshasa, placé en détention à l’ANR avant d’être transféré à la DEMIAP où il croupit à ces jours sans droit de jouir de ses droits fondamentaux comme les cas précédents;
•Colonel Ruterera, arrêté à Uvira depuis le 25 août 2021 puis transféré à Kinshasa au Conseil National de Sécurité (CNS) et puis détenu à la DEMIAP dans les mêmes conditions que dessus;
•Monsieur Jean-Marie Isazu Mahuma, arrêté le 23 avril 2023 à son domicile vers 23 heures par plusieurs militaires et conduit au cachot de la DEMIAP où il a été détenu plusieurs jours sans droit de visite, ni d’assistance de conseil de son choix, ni d’être présenté devant une autorité judiciaire compétente;
•Monsieur Stanis Bujakera Tshiamala, arrêté le 8 septembre 2023, à l’aéroport de N’djili, détenu 24 heures à l’IPKIN, transférés le 09 septembre 2023 à l’Inspection Générale de la Police, et ensuite transférés au Parquet de Grande Instance de Kinshasa/Gombe.
L’ACAJ affirme que, dans un tel environnement, le peuple se rend compte que le changement promis n’est qu’un leurre. Ainsi, dit-elle, il appartient dès lors aux pouvoirs publics de prendre des mesures correctives et courageuses face à ces dérives qui sapent la confiance des Congolais.
Le gouvernement a été appelé notamment à s’assurer que tous les responsables de services de sécurité respectent les droits fondamentaux des personnes arrêtées et à veiller au respect des règles de la bonne gouvernance.