L’Union européenne (UE) a noué un partenariat sur les minerais de sang avec le Rwanda, qui est impliqué dans la déstabilisation de la RDC, le pillage de ses ressources naturelles et minières, et la commission des crimes les plus graves documentés par l’ONU. Dans sa réaction, le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege a affirmé qu’avec cet accord, la commission européenne a atteint non seulement le paroxysme du cynisme en matière de géostratégie, mais s’illustre à nouveau dans une politique de double standard qui mine la crédibilité des institutions internationales.
Par l’expression « minerais de sang », on désigne quatre minerais et métaux : étain, tungstène, tantale et or, dont la production est souvent contrôlée par des groupes armés, en République démocratique du Congo (essentiellement dans la région du Kivu) et dans la région des Grands Lacs.
Ce pillage de ressources est orchestré par le Rwanda. L’ONU a estimé qu’en 2013, 98% de l’or produit en RDC est sorti clandestinement du pays. Ces minerais se retrouvent pourtant dans des filières de production officielles et « légales ».
En s’alliant avec le Rwanda, l’UE viole ses propres règles. En 2017, le Parlement européen a entériné une législation européenne qui contraint certaines entreprises, s’approvisionnant en métaux et minerais tels que le tungstène, l’étain, le tantale ou l’or, à s’assurer de l’absence de lien entre leur chaîne d’approvisionnement et les minerais de conflit issus de régions en proie à des conflits dont le Congo et la région des Grands Lacs.
« Avec le protocole d’accord signé le 19 février entre l’Union Européenne (UE) et le Rwanda pour favoriser le développement de chaînes de valeur « durables » et « résilientes » pour les matières premières, aussi appelées minerais des conflits ou de sang, l’exécutif européen atteint non seulement le paroxysme du cynisme en matière de géostratégie, mais s’illustre à nouveau dans une politique de double standard qui mine la crédibilité des institutions internationales. Le conflit qui perdure à l’Est de la RDC depuis presque 30 ans, qui est le plus meurtrier depuis la 2e guerre mondiale, est principalement économique, et le lien entre l’exploitation et le commerce illégal des minerais est reconnu comme une cause profonde de la violence et de graves violations des droits humains, et l’implication du Rwanda dans la déstabilisation de la RDC, le pillage de ses ressources naturelles et minières et la commission des crimes les plus graves, notamment le recours aux violences sexuelles comme méthode de guerre et comme stratégie de terreur, est largement documenté, notamment par les Nations unies », a dénoncé Denis Mukwege.
Alors que la crise sécuritaire et humanitaire qui sévit dans les Kivus s’est encore sérieusement aggravée depuis la résurgence du groupe armé M23, qui opère de concert avec le soutien direct de l’armée rwandaise dans le cadre d’une énième guerre d’agression et d’occupation sur le territoire congolais, la politique de la Commission européenne et le renforcement de ce partenariat stratégique avec le régime dictatorial de Kigali apparait en totale contradiction avec le principe de cohérence et les valeurs fondamentales de l’UE, notamment la promotion de la paix et des droits humains, qui devraient être, conformément aux Traités européens, des objectifs fondamentaux dans ses relations extérieures.
« C’est dans ce contexte que nous réitérons notre appel lancé à Strasbourg en 2014 à l’occasion de la remise du Prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de pensée de « veiller à assurer davantage de cohérence entre les politiques économiques et le respect des droits de l’homme, et à placer la dignité humaine au centre des préoccupations économiques et financières », et exhortons les institutions et les pays européens à rendre effectif et contraignant le règlement de l’UE sur le devoir de diligence pour les chaines d’approvisionnement des minerais, entré en vigueur en 2021 et pourtant largement détourné par des filières opaques d’approvisionnement transfrontalier entre la RDC et le Rwanda », a-t-il suggéré, prévenant qu’à défaut, la transition énergétique dite verte et propre restera rouge du sang des femmes et des enfants congolais et salie par les activités criminelles des groupes armés.
Dans la foulée, Denis Mukwege aspire à ce que les citoyens européens épris de paix et de justice sociale entendent cet appel et changent le cap lors des prochaines élections en juin 2024.
L’UE, dans un communiqué, a expliqué que son partenariat avec le Rwanda vise à mettre en place une chaîne de valeur résiliente et durable pour les matières premières, couvrant l’extraction, le raffinage, la transformation, le recyclage et le remplacement.
Thierry Breton, commissaire au marché intérieur de l’UE, a indiqué que le Rwanda est un « important fournisseur de tantale, d’étain, de tungstène, d’or et de niobium, et il dispose de réserves de lithium et de terre rares ».