Lancée en 2021 sous la présidence française de l’Union européenne (UE), la stratégie Global Gateway prévoit de mobiliser près de 150 milliards d’euros pour soutenir le financement d’infrastructures soutenables et de qualité, dans le respect des normes sociales et environnementales les plus élevées. Dans le cadre de cette stratégie, l’UE et le Rwanda ont signé, le 19 février 2024, un accord visant à favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques. Un partenariat dénoncé par la RDC craignant la pérennisation du pillage de ses ressources minières par le Rwanda qui, selon le chef de la diplomatie congolaise, ne regorge pas de minerais critiques et stratégiques recherchés actuellement dans le monde (coltan, cobalt, lithium, niobium…).
Le ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a affirmé mercredi 21 février que le partenariat UE-RDC encourage évidemment le pillage des ressources naturelles congolaises par le Rwanda et contrarie les engagements de l’Union européenne, « notamment au point 26 du communiqué conjoint de la 2ème session du dialogue politique RDC-UE tenu à Kinshasa les 5 et 6 octobre 2020, engagements notamment de « tirer profit de la mise en œuvre du règlement européen sur les minerais de conflit (3T et or) et les autres dispositions pertinentes, dont celles mentionnées par le Dodd- Franck Act, pour renforcer la lutte contre l’exploitation illégale des minerais originaires de la RDC… ».
Dans sa déclaration, Christophe Lutundula a indiqué que les enquêtes du Parlement congolais, des groupes d’experts de l’ONU et des organisations non gouvernementales nationales et internationales ont établi qu’à travers de multiples réseaux mafieux et des sociétés-écrans montées par ses dirigeants, le Rwanda tire ces matières premières stratégiques de la République démocratique du Congo qui en regorge en abondance.
« Dès lors, s’arranger avec le Rwanda pour développer « les chaînes de valeur durable pour les matières premières critiques et stratégiques » qu’il ne possède pas, ne peut avoir pour conséquence que d’accentuer l’exploitation illicite des richesses naturelles du Congo par le Rwanda dont la prospérité est fondée sur cette activité criminelle et de lui donner davantage les moyens d’agresser la République démocratique du Congo », a-t-il dit.
Par conséquent, le gouvernement congolais considère la signature de cet accord, intervenue peu de temps après la déclaration à Kigali du chef de l’Etat de la Pologne, pays membre de l’UE, de fournir au Rwanda des armes en cas d’attaque extérieure, comme « un acte très inamical qui n’est pas de nature à favoriser la confiance mutuelle entre la RDC et l’Union européenne ».
Dans la foulée, la RDC dit attendre des autorités de l’Union européenne une clarification de ce « comportement ambigu » alors qu’elles ne cessent d’affirmer leur volonté de contribuer à la fin de la crise sécuritaire dans l’Est du pays ainsi que de l’exploitation illicite de ses richesses naturelles, et de renforcer sa coopération avec elle.
Lors de la signature du protocole d’accord avec le Rwanda, Thierry Breton, commissaire au marché intérieur de l’UE, a reconnu que le Rwanda « est un important fournisseur de tantale, d’étain, de tungstène, d’or et de niobium, et il dispose de réserves de lithium et de terre rares ». Selon les autorités congolaises, ces minerais sont exploités en RDC par des groupes armés soutenus par l’armée rwandaise.
En 2017, le Parlement européen a entériné une législation européenne qui contraint certaines entreprises, s’approvisionnant en métaux et minerais tels que le tungstène, l’étain, le tantale ou l’or, à s’assurer de l’absence de lien entre leur chaîne d’approvisionnement et les minerais de conflit issus de régions en proie à des conflits dont le Congo et la région des Grands Lacs.