« Débarrasser l’armée des traîtres » alors que le pays fait face à l’agression rwandaise, tel est le but principal pour lequel le gouvernement congolais a levé le moratoire de 2003 sur l’application de la peine de mort. Cette décision inquiète la Belgique, qui milite pour l’abolition universelle de la peine capitale.
Au dernier jour de sa visite de travail à Kinshasa, la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib a été reçue par le président de l’Assemblée nationale de la RDC, Christophe Mboso, ce mercredi 10 avril. Les échanges ont porté sur les réformes à mener pour améliorer davantage le processus démocratique en RDC.
A cette occasion, la cheffe de la diplomatie belge a exprimé les inquiétudes de son pays au sujet de la décision du gouvernement congolais, annoncée le 13 mars 2024, à travers une note circulaire rendue publique par la ministre d’Etat en charge de la Justice, sur le rétablissement de la peine de mort.
« J’ai aussi exprimé mes inquiétudes quant à la levée du moratoire sur la peine de mort. Vous savez que la Belgique est inquiète et défend l’abrogation universelle de la peine de mort, ce que nous continuerons évidemment à défendre partout », a déclaré Hadja Lahbib.
Réagissant à la position belge, le speaker de la Chambre basse du Parlement congolais a indiqué que la RDC était obligée de réintroduire l’exécution de cette peine pour mettre fin à la traîtrise au sein de l’armée dans un contexte d’agression rwandaise.
« Nous avons voté à l’époque le moratoire. On a suspendu de l’exécution de la peine de mort, nous y sommes revenus compte tenu de la situation extrêmement grave qui se passe à l’Est du pays. C’est la seule raison qui nous a conduits à cela. Nous connaissons beaucoup de cas de traîtrise et je crois que nous étions obligés, devant les circonstances de la gravité de la situation, de revenir sur la peine de mort. Tous les pays du monde sont passés par là. Quand il y a eu la guerre mondiale, la guerre de 100 ans en France, ils sont tous revenus sur la peine de mort. Tous ceux qui ont réagi pendant la 1ère et la 2è guerre mondiale ont été guillotinés. Tous ces pays européens sont revenus sur la peine de mort. Et par après, ils ont aboli cette peine de mort. Mais nous, nous ne sommes qu’au début de l’instauration d’un État, avec beaucoup d’agression à l’Est du pays, nous étions obligés de revenir sur la peine de mort », a expliqué Christophe Mboso.
Dans une pétition adressée au président Félix Tshisekedi, plusieurs organisations de la société civile ont affirmé que l’exécution des condamnés à mort n’aura aucun effet dissuasif sur le terrain et va, au contraire, nourrir des idées « fausses et dangereuses » selon lesquelles la peine de mort pourrait contribuer à mettre fin à la guerre et aux atrocités dans l’Est de la RDC et résoudre les causes profondes de la criminalité urbaine.
Ainsi, ont-elles demandé au chef de l’Etat d’assurer le respect des droits humains, dont le premier d’entre eux, le droit à la vie, en refusant d’exécuter cette peine. Dans leur document, elles ont rappelé que la lutte contre l’impunité ne pourra se mener qu’à travers l’assainissement du système judiciaire et le respect des normes régionales et internationales en matière de procès équitable. « La peine de mort ne sert ni la justice ni la paix », ont-elles souligné.