Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et le ministère de la Justice ne sont pas sur la même longueur d’onde. Le désaccord est accentué par l’affaire relative à la tentative d’évasion à la prison centrale de Makala que le ministre Constant Mutamba considère comme un acte de « sabotage » de ses efforts visant à réformer le secteur judiciaire, et que son vice Samuel Mbemba a imputé aux magistrats qui, selon lui, « envoient en prison même de simples suspects ».
Réunis mercredi à Kinshasa, les membres du bureau du CSM ont répliqué au ministère de la Justice, soulignant que « les magistrats ne sont pas responsables de la tentative d’évasion qui a eu lieu à la prison de Makala ».
Alors qu’une circulaire a été signée (par le vice-ministre) interdisant le transfèrement des détenus préventifs à la prison centrale de Makala et à la prison militaire de Ndolo, Samuel Mbemba accusant les magistrats de surpeupler ces centres pénitentiaires, le Conseil supérieur de la magistrature a fait remarquer que, devant la hausse de la criminalité dans la ville, les arrestations et les détentions opérées par les magistrats constituent « une réponse légale et idoine pour sécuriser la population ».
« Le suspect est toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction ou violé la loi pénale. Demander au magistrat de ne pas l’arrêter ni le transférer à la prison constitue une violation flagrante de la loi et surtout une autre manière d’installer, au sein de la société congolaise, les règles de la vengeance privée et la loi du plus fort », a souligné le CSM.
Lors de sa descente à Makala après la tentative d’évasion, Samuel Mbemba avait déclaré : « En droit pénal congolais, liberté est le principe. La détention est une exception, ce qui veut dire que la prison est, en principe, faite pour les condamnés ».
Pour le bureau du CSM, les déclarations du vice-ministre de la Justice sont de nature à exposer les magistrats à la vindicte populaire « alors qu’il existe au sein des institutions publiques un cadre de concertation entre le Conseil supérieur de la magistrature et le ministère de la justice, lieu indiqué pour traiter de questions transversales relatives à l’administration de la justice ».
Dans ce contexte, les magistrats ont été invités à poursuivre l’accomplissement des tâches de la profession dans le strict respect de la Constitution et des lois de la République pour l’émergence de l’État de droit en RDC.
« Par conséquent, ils sont tenus de rester calme et de respecter en toutes circonstances les règles d’éthique et de déontologie », a martelé l’organe dirigé par le président de la Cour constitutionnelle.
Depuis l’avènement de Constant Mutamba à la tête du ministère de la Justice, un bras de fer s’observe avec les magistrats. L’ancien opposant s’est engagé à « nettoyer et réformer » ce secteur. Une démarche que les syndicats de magistrats ont qualifié de « populiste et outrageant ».