Le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu lundi 24 avril un débat public consacré à « un multilatéralisme efficace reposant sur la défense des principes consacrés dans la Charte des Nations unies ».
Le chef de la diplomatie russe a, dans son intervention, dressé un virulent réquisitoire contre les pays occidentaux, accusés de chercher à remplacer le droit international et la Charte de l’ONU par un prétendu « ordre fondé sur des règles » destiné à leur seul profit.
Sergueï Lavrov a ouvertement accusé les USA d’avoir entrepris la destruction de la mondialisation, ajoutant que les Occidentaux sont, depuis longtemps, mal à l’aise pour négocier dans des formats universels, tels que les Nations unies.
Pour lui, le thème de l’unité des « démocraties » par opposition aux « autocraties » n’a été créé que pour fournir une justification idéologique au processus de sape du multilatéralisme. « Ils se mettent d’abord d’accord en privé, dans un cercle restreint, et présentent ensuite ces accords comme la position de la communauté internationale », a dénoncé Lavrov, pour qui « personne n’a permis à la minorité occidentale de parler au nom de toute l’humanité ».
La Russie charge les auteurs de « l’ordre fondé sur des règles » de rejeter avec arrogance le principe clef de la Charte qu’est l’égalité souveraine des États. Le pays de Poutine a aussi accusé « l’Occident collectif » de chercher à remodeler le multilatéralisme au niveau régional, en prenant en exemple la région Asie-Pacifique, s’en prenant en particulier à l’alliance militaire AUKUS.
Le ministre des Affaires étrangères de la Russie a rappelé l’espoir d’un véritable multilatéralisme sans clivages dans l’espace euro-atlantique né après la dissolution du Pacte de Varsovie et la disparition de l’Union soviétique et a insisté sur les efforts patients de son pays pour parvenir à des accords multilatéraux mutuellement bénéfiques basés sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité.
Mais, a-t-il accusé, les pays occidentaux ont conservé l’OTAN et, « contrairement à leurs promesses », se sont lancés dans une prise de contrôle « imprudente » de l’espace adjacent, « y compris des régions où des intérêts russes vitaux ont toujours existé et continueront d’exister ». Il a ainsi accusé les États-Unis de s’être ingérés dans les affaires des États post-soviétiques à l’occasion des « révolutions de couleur » en Géorgie et au Kirghizstan, et du « coup d’État sanglant à Kiev en février 2014 ».
À propos de l’Ukraine, Lavrov a rappelé les efforts multilatéraux qui ont été déployés en vue d’un règlement pacifique à la guerre dans l’Est de l’Ukraine, « déclenchée par le coup d’État », qui ont abouti à l’adoption par le Conseil de sécurité approuvant à l’unanimité les accords de Minsk. Or, a-t-il dénoncé, ces accords ont été foulés aux pieds par Kiev et « ses maîtres occidentaux », qui ont récemment admis avec cynisme et même fierté qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de les mettre en œuvre.
Selon lui, la question n’est pas l’Ukraine mais « la manière dont les relations internationales seront développées ». Il a répété les objectifs de « l’opération militaire spéciale » de son pays: « éliminer les menaces pour notre sécurité que l’OTAN fait peser depuis des années directement sur nos frontières et protéger les personnes qui ont été privées de leurs droits ». Nous avons honnêtement dit pour quoi et pour qui nous nous battons, a-t-il insisté.
Lavrov a également dénoncé les « tentatives éhontées des États occidentaux de soumettre le Secrétariat de l’ONU ». Il a demandé au Secrétaire général de veiller à ce que l’ensemble de son personnel respecte les exigences d’impartialité, y compris à l’occasion de la préparation de documents proactifs sur le « programme commun » du Secrétaire général et sur le « Nouvel Agenda pour la paix ». Sinon, a-t-il averti, au lieu d’un agenda multilatéral, le fossé entre le « milliard d’or » et la majorité mondiale s’approfondira.
Le chef de la diplomatie russe a estimé que, « comme pendant la guerre froide », nous sommes arrivés à une ligne dangereuse, « peut-être même encore plus dangereuse » qu’alors, car aggravée par la perte de confiance dans le multilatéralisme.
Il a donc appelé à en « revenir aux origines », soit à l’adhésion aux objectifs et aux principes de la Charte « dans toute leur diversité et leur interconnexion ».